Les crimes de guerre de l’armée russe se multiplient. en bombardant la maternité de Marioupol ou en déclenchant un incendie dans la centrale nucléaire de Zaprorijia, les militaires russes ignorent sans doute qu’ils encourent désormais le risque, à vie, d’être arrêtés à n’importe quel moment et déférés pour ce crime devant la Cour Pénale Internationale. Ce qui peut leur sembler dérisoire en plein dans le feu d’un conflit, l’est moins par la suite. Or l’interdiction posée par la Convention de Genève du 12 août 1949, concernant le viol de la protection des victimes des conflits armés est pris de plus en plus au sérieux par la communauté internationale.
"Il semble évident aujourd'hui que des crimes de guerre ont déjà été commis par les forces russes contre la population ukrainienne. C'est pour cette raison que la CPI a décidé d'ouvrir une enquête", affirme William Julié, avocat spécialiste en droit pénal international, à la chaîne France 24. D’autant que les forces russes non seulement s'en prennent aux civils mais elles sont aussi soupçonnées d'utiliser des armes interdites par le droit international : les bombes à sous-munitions qui éclatent en deux temps et font un maximum de dégâts en explosant.
Longtemps, on a considéré qu’il n’y avait pas d’armée innocente comme l’écrivait Malraux. Mais les effets pervers de ce pseudo-réalisme justifiant tous les crimes du droit des gens, sont de moins en moins tolérés dans l’opinion quel que soit son camp et c’est bel et bien ce qui a changé.
Pendant longtemps aussi, les peuples se sont désintéressés des guerres, ces règlements de comptes entre rois, perçus comme des sortes de calamités naturelles par ceux qui en subissaient les ravages.
Dans le champ clos de la guerre, tout était permis, et ses lois n’étaient que des rêveries de philosophes. Clausewitz l’exprime fort bien dans son livre, De la Guerre ; ce même Colonel Von Clausewitz qui, prisonnier des français, était invité avec ses geôliers, au salon de madame de Staël, à Coppé, la seule limite réelle étant la solidarité de classe.
Le basculement commence avec l’indignation d’Henri Dunant, après la terrible bataille de Solférino, qui fonde la Croix Rouge, puis initie les premières règles du doit humanitaire. Il se concrétise encore avec le procès de Nüremberg où l’on jugea les responsables du déclenchement de la deuxième guerre mondiale et des crimes qui suivirent.
Une vingtaine d’années plus tard, l’édiction de l’imprescriptibilité des crimes contre l’humanité, vint ajouter un nouvel élément de dissuasion : si les États avaient encore le droit de faire la guerre, tout n’était plus permis, et les crimes ne seraient jamais oubliés.
L’époque est révolue, où selon le mot de Paul Valéry, un des privilèges des puissants était de pouvoir contempler les catastrophes du haut de leurs terrasses.
Dans cette guerre contre l’Ukraine, qui s’oriente vers des bombardements incessants des civils pour saper le moral des Ukrainiens, aucun criminel ne sera oublié. Et même si la sanction est tardive, personne n’y échappera : Ni les oligarques qui auront continué de soutenir Poutine, ni les Siloviki, les ‘hommes en uniforme’, ceux des structures de force, soutiens ultimes du système, ni tous leurs séides de moindre rang.
L’opinion publique russe aussi gronde sourdement, dans des proportions difficiles à évaluer, mais les pertes sévères du côté russe, estimées à 7000 soldats selon le New York Times, ou un effondrement de leur économie, pourraient bien la faire bouger !
Et il n’est pas exclu que tous ou certains choisissent de ‘neutraliser’ Poutine plutôt que de risquer de sombrer tôt ou tard avec lui. Car il faut bien garder à l’esprit que ces deux groupes sont étroitement imbriqués. Comme dans tout régime autoritaire, le fanatisme, parfois opportuniste, et l’affairisme, se rencontrent souvent.
Ainsi, pour tous ces criminels qui s’apprêtent à participer de près ou de loin, au siège des grandes villes, ou à la guerre totale, le message est clair comme le reflet d’une épée de Damoclès : On ne vous oubliera pas. Déjà le procureur général de la CPI, Karim Kahn a indiqué qu’une équipe se rendait sur le terrain afin de collecter des preuves. L’enquête qui s’annonce longue inclura aussi toutes les allégations passées depuis Novembre 2013 « commises par toutes personnes » sur le territoire ukrainien, ce qui inclut aussi la région du Donbass.
par
Brigitte Ades
Jean Dubois
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